Pour bien commencer la rentrée nous sommes allés rendre visite à Lionel de Puréclats à côté de Lyon. Il a eu la gentillesse de nous ouvrir les portes de son atelier le temps d’un après-midi. Ce lapidaire de précision passionné transforme des pierres brutes (de qualité gemme) en véritables œuvres d’art miniatures. Des tailles modernes, originales et surtout qui sont pensées en fonction des caractéristiques de chaque pierre pour en sublimer la beauté.
Rencontre avec Lionel de Puréclats
Lionel a accepté de répondre à toutes les questions que vous vous posez sur son métier : celui de lapidaire de précision.
Qu’est-ce que le métier de lapidaire ?
Le métier de lapidaire consiste à façonner et à tailler des pierres précieuses ou fines appelées aussi sémi-précieuses, de façon à les rendre dignes d’orner des bijoux ou des objets d’art.
Il est intéressant de noter que le terme de « lapidaire » ne s’applique pas à la taille du diamant qui est, elle, réservée au diamantaire, car cette taille est spécifique de par la dureté du diamant.
Lionel explique-nous la différence entre un lapidaire « classique » et un lapidaire de précision ?
La taille dîte “classique” a souvent le même nombre de facettes placées aux mêmes endroits, le but étant d’obtenir une pierre lourde, la jonction des facettes étant approximatif, suivant parfois la forme du brut, le polissage souvent minimum.
La taille de précision privilégie le polissage final, la précision du placement des facettes pour que les “meet points” soient parfaits. Les angles sont optimisés pour que la pierre renvoie le maximum de lumière, que la(es) couleur(s) de la pierre soi(en)t mise(s) en valeur. Cela peut consister à éclaircir la tonalité de la gemme ou au contraire à la renforcer en assombrissant la pierre.
Quel est le premier critère que tu regardes lorsque vous sélectionnez un brut ?
La transparence et la façon dont le brut laisse passer la lumière, tous n’ont pas un intérêt à être faceté. Si une pierre n’est pas « propre » au début, la pierre taillée ne le sera pas non plus. En tant que lapidaire de précision je recherche un retour lumière maximum, je fais de la taille à facette pour l’éclat.
Les inclusions sont des obstacles sauf lorsqu’on arrive à les mettre en valeur pour qu’elles se reflètent dans toute la pierre.

Quelle machine utilises-tu pour faceter les pierres ?
Une Facetron, c’est une machine américaine qui est considérée comme la Roll’s Royce des machines à facetter.

Quelle est la pierre que tu préfères tailler ? Et celle que tu aimes le moins ?
La pierre que j’aime le moins tailler c’est la Topaze à cause des duretés directionnelles, c’est une pierre qui me résiste. J’y arrive mais je ne me marierai jamais avec une topaze ou un spinelle synthétique, on ne s’aime pas…
Contrairement à beaucoup, j’aime beaucoup travailler le quartz car on peut obtenir de très beaux résultats si le polissage est réussi. Le grenat est facile à tailler, la tourmaline c’est intéressant même si parfois le polissage me donne du fil à retordre.
Je taille chaque gemme comme si c’était pour moi, j’aime le challenge de la découverte d’une nouvelle pierre, d’une nouvelle matière.
Quelles sont les différentes étapes de la taille d’une gemme ?
Trouver le « bon brut », un brut dont la qualité, la forme et la couleur permettent une taille de précision. C’est la première étape mais aussi la plus difficile, car trouver un morceau approprié est plus rare qu’il n’y parait. Par exemple, un brut transparent et de belle couleur mais sans profondeur ne pourra pas être taillé en facette ou cabochon.

Les pierres dichroïques ou trichroïques (qui laissent apparaitre 2 ou 3 couleurs en fonction de leur orientation) rajoutent une complexité complémentaire. La tourmaline (dichroïque), orientée de façon « ouverte » par rapport à son axe de croissance montrera ses couleurs. En revanche, si elle est mal orientée et que son orientation est « fermée », elle apparaitra sombre voire noire.
Une fois le bon brut trouvé, il faut définir les bonnes orientation et position pour la taille désirée.
L’Opale Bleue du Pérou a des inclusions et fissures, il faut arriver à imaginer la pierre taillée dans le brut. C’est de cette façon que je vais déterminer les parties à enlever pour un résultat optimal et une taille de précision.


Après avoir visualisé la pierre taillée dans le brut, je passe à la réalisation du diagramme en utilisant des logiciels spécialisés. Je prends en compte l’indice de réfraction de la pierre pour faire des simulations du retour de la lumière. La taille des angles d’une pierre facettée va impacter la lumière qu’elle renvoie, c’est ce qui la rendra sombre ou lumineuse. Mon travail, en tant que lapidaire de précision est d’optimiser ce retour tout en gardant une couleur homogène et transparente.
L’étape suivante va dépendre du type de brut à ma disposition, en particulier s’il est sur gangue ou pas. Si le brut est « propre » je crée la facette qui correspond à la table sans passer par le « débrutage ». Si le brut comporte de la roche mère, comme c’est le cas de l’opale, je commence par « débruter ». Le débrutage correspond au fait d’enlever toute la roche mère qui entoure la gemme brute avant de passer à la taille.

Lorsque la pierre est « débrutée » on la colle sur le « dop » (bâton sur lequel on fixe la pierre pour la tailler). Ensuite je commence la taille par la culasse en faisant le «préformage » (donner une forme grossière à la pierre). Cette étape terminée, je réalise la circonférence et le feuilletis, c’est ce qui définit la dimension de la pierre. Quand la taille est définie, je finalise les facettes de la culasse et réalise le polissage en même temps.
Je dois ensuite effectuer un « transfert de dop » pour passer à la taille et le polissage de la couronne.


Et voilà ! Avec toutes ces étapes j’ai fait de mon mieux pour optimiser le retour lumière, la couleur et la qualité du polissage. Le résultat c’est une pierre transparente, lumineuse, dont les facettes se rejoignent parfaitement, sans zone d’ombre avec un poli impeccable.
